Contes et légendes de la Suisse racontés aux enfants – 3. La beurrée de la veuve

La beurrée de la veuve

En aval de Sins, aux bords de la Reuss, s’élevait autrefois le château de Russegg dont il reste à peine quelques pans de murs.  En 1480, le châtelain se nommait Albin de Silinen ; c’était un seigneur vaillant et bon.

Beaucoup de fermiers des alentours étaient tributaires du château ; les uns devaient payer, chaque année, une certaine somme ; les autres, fournir certains produits de leurs champs ou de leur bétail. La ferme de Wiesthal était aussi dans ce cas. Il y demeurait alors une veuve avec sept enfants ! C’était une femme active et honnête. Mais une épouvantable grèle ayant détruit toutes les récoltes, la brave femme se vit dans l’impossibilité de s’acquitter de ce qu’elle devait. 

Accompagnée de deux de ses enfants, elle se rendit au château et demanda au seigneur de lui remettre, pour cette année, le paiement des droits, ou, du moins, de lui accorder un délai. Celui-ci la reçut avec bienveillance, la rassura et lui fit servir du lait et du pain. Puis, après être allé dans la chambre à côté, il revint et, posant une feuille de parchemin sur le pain de la veuve, il dit : 

— A de braves gens tels que vous, on donne un peu de beurre sur le pain ! Dans le parchemin, il était dit que la ferme de Wiesthal n’aurait plus de redevance à payer. Il n’est pas étonnant que le peuple n’ait pas oublié le nom du bon seigneur Albin de Silinen.

Learn more about the Reuss and Zwing Uri Castle (possibly the castle mentioned here).

Contes et légendes de la Suisse racontés aux enfants – 2. Le servant récompensé

Le servant récompensé

Dans le Simmenthal, un jeune homme avait hérité de son père un petit moulin : mais comme il n’était ni très actif ni très intelligent, ses affaires ne prospéraient pas. Tantôt il travaillait aux champs, tantôt il allait à la journée, et, pendant ce temps, il négligeait son moulin. D’ailleurs, il y régnait un grand désordre. Un soir, en revenant, il trouva tout balayé, tout à sa place. Comme il n’avait pas de voisin, il ne savait pas qui remercier de cette aide. Le fait se répétait ; le samedi surtout était toujours le jour d’un grand nettoyage.

Le jeune homme, pour tirer la chose au clair, se cacha enfin dans une armoire, et, à son grand étonnement, il vit une planche se soulever ; un petit homme, un servant, se montra, et après avoir regardé autour de lui, se mit activement à nettoyer et à arranger. Après avoir fini son ouvrage, il fit plusieurs fois le tour du moulin en gambadant, mais tout à coup, il s’arrèta, et, d’un air tout triste, contemplant son costume, il dit : 

— Mes vêtements sont pourtant tout en guenilles ! 

En effet, ses petits pantalons et sa jaquette étaient bien vieux, bien déchirés : de plus, il était au-pieds.

Pour le samedi suivant, le meunier fit faire un petit costume pour le gnome ; il lui acheta aussi un bonnet pointu et une paire de souliers.

Le servant, voyant le cadeau qui lui était destiné fit un saut de joie et changea tout de suite d’habit.  Puis il dit: 

— Je ne balayerai plus ! Un homme comme moi peut aller à la danse !

Et sans faire son travail habituel, il disparut et ne revint plus jamais.

Explore the Simmenthal.

Contes et légendes de la Suisse racontés aux enfants – 1. L’Arbre de Noël

L’Arbre de Noël

— Petit Jean, va dans la forêt chercher du bois mort : nous n’avons plus rien pour nous chauffer ce soir ! 

Petit Jean demeurait, avec sa mère, dans une hutte isolée, au milieu des bois. En fils obéissant, il se rendit dans la forêt : mais il fallait longtemps pour ramasser un joli fagot : une neige profonde couvrait tout. C’était vers la fin du mois de décembre ; les jours étaient bien courts ; aussi, la nuit tomba avant que petit Jean crût avoir ramassé assez de bois. Comme l’obscurité augmentait, le petit garçon voulut prendre le chemin du retour, mais il ne reconnaissait plus la contrée. Alors, tout au haut d’une colline, il aperçut des lumières qui paraissaient bouger. 

— Il y a là des hommes, pensa-t-il, et il se mit en route dans la direction des lumières.

Arrivé au sommet de la colline, petit Jean fut bien surpris : les lumières étaient portées par de tout petits hommes à longues barbes. Il y avait là un grand, beau sapin isolé, dont les branches pendaient jusqu’à terre, et les petits hommes, au moyen d’échelles dorées, se mirent à grimper sur cet arbre. D’abord un peu effrayé à la vue de ces petites créatures, Jean se rassura pourtant, pensant que ce devaient être les gnomes dont sa mère lui avait quelquefois parlé. Il posa son fagot et se cacha derrière . 

Tout au haut de l’arbre se tenait celui qui paraissait être le chef, le roi de la petite armée. Son haut bonnet était entouré d’un cercle d’or où brillaient toutes sortes de pierres précieuses. D’un air grave, il donnait des ordres et tout ce petit monde obéissait immédiatement.

Quelques-uns des nains apportaient des pommes rouges et des noix argentées ; d’autres avaient bien de la peine à traîner des bonbons, des étoiles, des bougies, qu’ils fixaient aux branches du sapin. Ils prenaient bien garde de ne pas faire tomber la neige qui couvrait les rameaux de l’arbre, ni de casser les glaçons qui y étaient suspendus.

Au bout de quelque temps, le roi des gnomes, à force d’avoir donné des ordres, se sentit fatigué ; ses yeux se fermèrent et sa tête se balançait de droite à gauche, et de gauche à droite. A peine quelques-uns d’entre les plus jeunes des gnomes s’aperçurent-ils du manque de surveillance que, laissant là leur ouvrage, ils se mirent à s’amuser. Les uns dansaient une ronde autour de l’arbre ; d’autres croquaient des noix ou se lançaient des boules de neige. Malheureusement une de ces boules atteignit le nez d’un gnome qui était justement occupé à attacher une grosse orange ; le pauvre nain, sans se faire grand mal, roula de branche en branche et s’enfonça enfin dans la neige sous l’arbre ; mais en tombant il poussa un grand cri, et le roi se réveilla. Immédiatement tout le monde se remit à l’ouvrage et bientôt tout fut achevé à la satisfaction de tous. L’arbre était resplendissant.

Le roi saisit alors la corde d’une cloche suspendue tout à la cime du sapin et des sons argentins retentirent dans tout le bois. 

Comme des papillons voltigeant autour d’une lampe, il arriva alors de tous côtés de véritables essaims de sylphides et d’elfes, et petit Jean crut entendre une belle mélodie :

Du ciel, un Sauveur est descendu.

Transporté de joie, petit Jean bouge derrière son fagot, il se redresse… et tout disparaît… Le grand sapin n’a comme seul ornement que la neige qui couvre ses branches… Plus d’autres lumières que les étoiles qui scintillent au ciel… Pourtant là-bas, au fond de la vallée, ne dirait-on pas une lumière qui se meut ?… Petit Jean, chargeant le fagot sur ses épaules, descend en courant et se trouve bientôt dans les bras de sa mère qui, inquiète de cette longue absence, a pris une lanterne et est venue à sa recherche.

Quel bonheur de rentrer à la maison ! Mais à peine petit Jean a-t-il franchi le seuil de leur demeure qu’il entend retentir un son argentin comme celui de la cloche qu’il a entendu au bois. Il ouvre la porte de la chambre et s’arrête stupéfait, ravi : devant lui se dresse un beau sapin tout chargé de lumières, de pommes rouges, de noix argentées!… 

Petit Jean a toujours cru que les gnomes, sachant qu’il était un brave petit garçon, lui avaient apporté son arbre de Noël. D’ailleurs, n’avait-il pas vu, en entrant, qu’une fenêtre était entr’ouverte ?