Contes et légendes de la Suisse racontés aux enfants – 14. Le chevalier de Pierre

Le chevalier de Pierre

Au-dessus de la petite ville de Waldenbourg (Bâle-Campagne), on remarque encore les ruines d’un château fort. Là demeurait, dans le XIIIme siècle, le chevalier Jean de Waldenbourg qui, au lieu d’être le défenseur des faibles et le protecteur des malheureux, ne connaissait d’autre plaisir que de tourmenter tout le peuple d’alentour. Tandis qu’il faisait bonne chère dans son château, ses sujets n’avaient presque plus que des racines à manger. Tandis qu’il traversait les forèts et les campagnes, avec une bande de joyeux chasseurs, ses serfs gémissaient sous le fouet des maîtres de corvée. 

Un des serfs, qui avait une très nombreuse famille, demeurait dans une maisonnette, à l’extrémité de la ville. C’était au moment où il fallait labourer et semer. L’homme avait travaillé au château pendant plusieurs semaines et il espérait pouvoir cultiver enfin son petit morceau de terre afin de planter quelque chose pour la nourriture des siens : mais un messager parut pour le rappeler au château pour de nouvelles corvées. Alors, dans l’amertume de son cœur, le pauvre homme tendit au messager une écuelle vide en disant : 

— Va dire à ton maître que chaque jour il me fasse remplir cette écuelle dans la cuisine du château afin que les miens ne meurent pas de faim. Dans ce cas j’irai travailler, autrement non . 

Le messager partit, mais le chevalier, en entendant son récit, entra dans une violente colère, fit arrêter et jeter aux oubliettes le pauvre homme.

Des semaines, des mois se passèrent ; l’hiver vint. La femme et les enfants du malheureux prisonnier se trouvaient dans la plus profonde misère. Elle résolut d’aller, avec ses enfants, se jeter aux pieds du chevalier et de lui demander la liberté de son mari et quelques secours. 

Lorsque la petite bande s’approcha du château, une troupe de chasseurs sortait justement de la porte ; les cors de chasse résonnaient et une meute de chiens faisaient entendre de furieux aboiements. La pauvre femme, rassemblant tout son courage, se jeta à genoux devant le chevalier qui chevauchait à la tête du cortège. 

— Femme ! ne m’arrête pas ! cria-t-il. Si mon chemin est pavé d’hommes, qui m’empêchera d’y passer ! 

Elle continua ses supplications.

Seigneur, rendez-nous notre père ! Donnez nous un morceau de pain ! le pain que vos chiens dédaignent ! Pour l’amour de Dieu, pour l’amour de tous les saints, ayez pitié ! 

Un rire diabolique traversa le visage du chevalier ; il fit signe à un page et lui ordonna de ramasser un caillou au bord du chemin et de le donner à la pauvre femme. 

Voilà du pain ! effrontés mendiants ! Il est dur, il est vrai, mais il dure d’autant plus long temps. Dès que vous l’aurez fini, je rendrai la liberté au prisonnier.

Alors le rouge de la colère empourpra le visage pâle de la femme, elle se redressa et, saisissant par les brides le cheval du noble, elle s’écria : 

— Puisses-tu être changé toi-même en pierre, monstre ! 

A peine cette parole fut-elle prononcée que le chevalier blémit et s’enraidit. Son visage prit la couleur de la pierre que la femme tenait dans sa main. Encore un sourd râlement … et Jean de Waldenbourg est changé en pierre, une statue terrifiante à l’entrée de son propre château. 

La suite du chevalier se disperse en tous sens, chacun craignant le sort du maître. Le château est vide et ouvert. Les habitants de la ville y entrent, pillent tout et, après avoir délivré les prisonniers, y mettent le feu. 

La statue se voit encore aujourd’hui : seulement, par la suite des siècles, les intempéries de l’air en ont effacé les traits ou détruit les contours, de sorte qu’on peut à peine y reconnaître les formes d’un cheval et d’un cavalier.

Contes et légendes de la Suisse racontés aux enfants – 13. La ruine de Plurs

La ruine de Plurs

Dans le massif qui s’étend entre la Lenzerheide et Erosen (dans les Grisons) s’élève le pic Rouge. Ce nom vient de la couleur du roc, et la couleur indique la présence de différents métaux. Au commencement du XVIIme siècle, on y exploitait encore de riches mines d’or. Les habitants de la petite ville de Plurs, située à l’entrée de la vallée de Bergell, étaient les propriétaires de ces mines, et leurs voisins racontaient que les bourgeois de Plurs étaient en relations avec des gnomes qui leur versaient, chaque nuit, un pot d’or fondu dans les mines.  Malheureusement, les hommes n’employaient pas bien leurs richesses; ils se livraient à une vie de débauche.

La punition ne se fit pas attendre.  En 1618, un grand éboulement couvrit toute la ville de Plurs ; pas une âme n’en réchappa.  En revanche, un conducteur de bêtes de somme, originaire d’un village voisin, eut la vie sauve.  Il faisait déjà presque sombre quand il arriva à Plurs, et il voulait y passer la nuit.  Mais le cheval qui marchait en tête de son convoi, sans écouter l’appel de son maître, continua sa route sans vouloir s’arrêter, et les autres chevaux suivirent.  Trois fois le conducteur ramena ses chevaux à Plurs, trois fois il reprirent immédiatement le chemin qui sort de la vallée.  A la fin, le conducteur se decida à laisser trotter ses bêtes et à les suivre.  A peine eut-il marché pendant une heure de temps qu’il entendit un grand bruit, un fracas immense ; puis il se fit un silence profond.  Le lendemain, Plurs avait disparu.

Bien souvent on a essayé de retrouver la source d’or, mais jusqu’à aujourd’hui, toutes les recherches ont été inutiles.

A news report in German from 1618 on the landslide (see also and the location).

Contes et légendes de la Suisse racontés aux enfants – 12. Origine de la fête de la jeunesse de Brugg

Origine de la fête de la jeunesse de Brugg

Un beau jour, les bourgeois de la ville décidèrent de planter de chênes une certaine étendue de leur terrain communal. Tout le monde reçut l’ordre de prendre part au travail. Munis de baguettes, les bourgeois se rendirent à l’ouvrage. Après avoir fait un trou profond dans la terre, chacun y dépose un gland et, du pied, referme le trou. Mais des mois se passent. Aucun gland ne lève. 

Pour faire un nouvel essai, on laboura le champ et l’on mit les glands dans les sillons. Quelques petits plants de chênes montrèrent leurs petites feuilles ; mais la mauvaise herbe poussant avec plus de vigueur, les jeunes arbres furent étouffés. 

Pour la troisième fois, les habitants de Brugg s’y prirent autrement. Le 20 octobre 1532, toute la commune, hommes, femmes et enfants, partirent pour la forêt voisine. Là, chacun déterra un terre aux racines : puis ils se rendirent à l’endroit qu’il s’agissait de boiser, et les jeunes arbres furent mis en terre. 

L’ouvrage fini, tous rentrèrent en ville. Les enfants reçurent chacun un weck, un petit pain blanc, tandis que les grandes personnes eurent un joyeux souper à l’hôtel de ville. 

Les jeunes arbres reprirent tous, ajoute la chronique, et, en souvenir de ce fait, toute la commune allait chaque année faire une promenade dans les bois de chênes, et comme signe que les arbres prospéraient, chaque enfant rapportait un rameau vert et recevait un weck. Cette fête des enfants se célèbre encore aujourd’hui et s’appelle le Rutenzug, le Cortège des verges ou des rameaux.

Check out the Youtube Channel of Jugendfest Brugg.