Contes et légendes de la Suisse racontés aux enfants – 11. L’homme de neige

L’homme de neige

L’hiver était rigoureux : une neige profonde recouvrait toute la contrée. A un endroit où le vent avait formé une puissante gonfle, à quelques cents mètres de la maison, le petit Rodolphe avait fait un grand homme de neige. Il lui avait mis dans la main une longue perche, une berclure, et au bout, en guise de drapeau, il avait attaché son mouchoir rouge.  Mais, comme le vent recommençait à souffler plus fort, Rodolphe reprit le chemin de la maison. Aplatissant son nez contre les vitres, il regardait comme la neige tombait toujours plus épaisse et comme le vent se transformait en véritable tourbillon . 

Tout à coup il eut besoin de son mouchoir : il le chercha et se souvint enfin qu’il l’avait laissé flotter à la perche de son homme de neige.  Craignant d’être grondé, Rodolphe se glissa hors de la maison pour aller chercher son mouchoir. Le chemin est bien pénible, mais enfin le petit garçon atteint son homme de neige. Le chapeau qu’il lui avait mis avait été emporté au loin, mais le drapeau-mouchoir flottait encore au vent. 

Mais qu’est-ce qu’il y a derrière l’homme de neige?  

Un homme accroupi, endormi, presque couvert par la neige!

Rudolphe secoue l’étranger de toutes ses forces, et celui-ci s’éveille enfin.

— Ou suis-je? N’y a-t-il pas une maison dans le voisinage? … Je me suis égaré dans la tourmente, dit-il.

— Venez seulement, répondit Rudolphe.  Je vous conduirai chez nous.  Ce n’est pas bien loin.

Ayant le vent à dos, ils avancent assez vite, malgré la profondeur de la neige.  Arrivés à la maison, Rudolphe conduit l’etranger à la cuisine, recommande à la servante de lui donner une bonne tasse de café bien chaud et rentre dans la chambre où se trouve son père.

– D’où viens-tu par un temps pareil?

— J’ai été près de l’homme de neige pour chercher mon mouchoir qui est son drapeau, mais je l’ai oublié.

— Aller là-haut pour chercher un mouchoir et l’oublier… c’est un peu fort.

— C’est pourtant heureux que je sois allé, autrement l’homme serait mort de froid!

— Ton homme de neige serait mort ?

— Non, l’autre, celui qui s’était caché derrière.

Peu à peu le père comprit ce qui s’était passé.  Il se rendit à la cuisine pour voir lui-même que le pauvre étranger fût bien soigné.  C’était un colporteur qui, au milieu de la tourmente de neige, avait perdu son chemin.

Le lendemain, le père de Rudolphe conduisit le colporteur jusqu’au village voisin, et comme le traineau était assez grand, le petit Rudolphe fit la course avec eux.  Ah ! quel plaisir de glisser si rapidement sur la route blanche !

Quelques jours plus tard, le facteur apporta un paquet pour Rodolphe. Le colporteur, reconnaissant, envoyait toute une douzaine de beaux mouchoirs rouges, pour remplacer celui que le petit garçon avait laissé flotter à la perche, et que le vent, pendant la nuit, avait emporté.